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 PÉNURIE DE MATIÈRES PREMIÈRES 
ACTEURS DES MARCHÉS PUBLICS,  
COMMENT Y FAIRE FACE ? QUELS SONT VOS DROITS ? 

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Dans le cadre du regain d’activité post-confinement, certains secteurs comme l’informatique, le bâtiment, les travaux publics, la métallurgie, ou le mobilier ont été particulièrement touchés par une pénurie globale d’approvisionnement en matières premières.

 

Des matériaux ou produits tels que le bois, l’aluminium, l’acier, le cuivre, certains plastiques ou encore les puces électroniques ont vu leur prix s’envoler et les délais de livraison être fortement allongés.

 

Ces difficultés se sont répercutées sur l’exécution des marchés publics, paralysant les titulaires (entreprises) dans l’exécution de leurs contrats.

 

Ces-derniers se retrouvent confrontés à des risques de dépassement des délais d’exécution, engendrant l’application de pénalités de retard, et/ou à un surcoût.

 

Cependant, il existe diverses mesures, prévues par le droit de la commande publique, que les entreprises peuvent mettre en œuvre afin d’adapter les modalités d’exécution des contrats, ou d’y mettre un terme.

 

Pour éclairer les acteurs des marchés publics sur leurs droits, Dorean Avocats vous propose un guide complet sur les procédures envisageables pour faire face à cette situation inédite.

 

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 I - JE SUIS TITULAIRE D'UN MARCHÉ, JE RENCONTRE DES DIFFICULTÉS LIÉES À LA PÉNURIE DE MATIÈRES PREMIÈRES MAIS JE SUIS EN CAPACITÉ DE POURSUIVRE L'EXÉCUTION DU CONTRAT 

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Dans le cas où la hausse du prix des matières premières affecte le marché mais n’entrave pas définitivement l’exécution du contrat, diverses mesures sont envisageables pour faire face aux difficultés rencontrées. 

 

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  1. A. Je fais face à des retards de livraison et ne suis pas en mesure de respecter les délais contractuels 

 

La majorité des contrats de la commande publique prévoient des délais fixes d’exécution et, en cas de dépassement, des pénalités de retard. Or, en raison des retards de livraisons occasionnés par la pénurie de matière premières, je ne suis pas en mesure de respecter ces délais. Quelles possibilités s’offrent à moi pour éviter d’être sanctionné ?

 

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  1. 1. Je peux modifier mon contrat par avenant 

 

Dans un premier temps il convient de vérifier que mon contrat ne dispose d’aucune clause prévoyant pareille situation. Si tel n’est pas le cas, je peux prendre contact avec l’acheteur pour lui demander de prolonger les délais d’exécutions et ne pas appliquer les pénalités de retard.

 

 En effet, les acheteurs sont toujours libres de ne pas appliquer les pénalités de retard (CE, 9 novembre 2018, SAS Savoie, n° 413533), à la condition que cela ne constitue pas une libéralité (CE, 19 mars 1971, Mergui, n°79962)1.

 

De même, les délais d’exécution peuvent être prolongés ou suspendus par avenant dans la mesure où cela est rendu nécessaire par des circonstances imprévues (Art. L2194-1)2.

 

Le Code de la commande publique encadre les avenants autorisés dans ces situations.

 

L’article R.2194-5 dispose que l’acheteur peut modifier le marché si :

 

« la modification est rendue nécessaire par des circonstances qu'un acheteur diligent ne pouvait pas prévoir »

 

Le montant de cette modification ne doit pas être supérieur à 50% du montant du marché initial. Si plusieurs modifications successives sont effectuées, cette limite s’applique au montant de chaque modification, sauf si cela a pour but de se soustraire aux obligations de publicité et de mise en concurrence (Art. R2194-3 CCP).

 

Face aux difficultés rencontrées par les entreprises, le gouvernement a d’ailleurs sollicité la bienveillance des acheteurs publics. Il leur demande notamment de :

 

  • « de veiller, au cas par cas, à ne pas appliquer de pénalités lorsque les retards de livraison ou d’exécution sont liés aux envolées des prix des matières premières ou de pénuries d’approvisionnement des entreprises »

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  • « quand cela est possible, d’accorder des reports de délais et de réfléchir, au cas par cas, aux autres mesures d’exécution qui permettraient d’apporter une réponse à cette situation»3.

 

L’acheteur peut alors accepter ou refuser de modifier le contrat, et/ou de ne pas appliquer les pénalités de retard.

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En cas de refus, j’ai encore la possibilité de passer par la voie judiciaire pour imposer à la personne publique de modifier le marché.

 

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  1. 2. Je peux saisir le juge pour moduler les pénalités 

 

Si l’acheteur public reste opposé à tout avenant, je peux lui saisir le juge afin de demander la modulation des pénalités de retard.

 

Le juge administratif invite les acheteurs à faire une application raisonnée des pénalités de retard et s’il considère ces pénalités disproportionnées eu égard au montant du marché, il peut intervenir pour les moduler (CE, 29 décembre 2008, OPHLM de Puteaux, n° 296930).

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  1. B. Je fais face à une augmentation significative du prix des matières premières 

 

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  1. 1. Mon contrat prévoit une clause de réexamen/ révision de prix 

 

Le prix ou ses conditions d’évolution ne peuvent être modifiés en cours d’exécution du contrat que si je dispose dans mon contrat d’une clause de révision de prix ou de réexamen (Art. R2194-1 Code de la Commande Publique). 

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Cette clause est indiquée dans le contrat et son application est précisée aux articles 10 des nouveaux Cahiers des Clauses Administratives Générales (si le CCAG est une pièce du marché)

 

Si je dispose d’une telle clause dans mon contrat, alors je peux prendre contact avec l’acheteur afin de lui demander d'appliquer les clauses de réexamen, de manière à pouvoir supporter la charge extracontractuelle engendrée par la hausse des prix des matières premières.

 

Attention : Les clauses de prix, ou de réexamen/révisions, bien que la question n’ait pas expressément été tranchée par la jurisprudence, ne peuvent être ni introduite ni rectifiée en cours d’exécution du marché (CE, 15 février 1957 Établissement Dickson).

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  1. 2. Mon contrat ne prévoit pas de clause de réexamen/révision de prix 

 

Si dans mon contrat je ne dispose pas d’une telle clause, il m’est impossible de modifier le prix, comme il vient d'être rappelé.

 

Mon seul recours est donc de passer par la voie contentieuse et demander une indemnité sur le fondement de la théorie de l’imprévision.

 

QU'EST-CE QUE L'IMPRÉVISION ?

L’imprévision peut être mobilisée face à un événement extérieur et imprévisible au moment de la conclusion du contrat qui entraîne un bouleversement temporaire de l’économie du contrat (CE 30 mars 1916, Compagnie générale d'éclairage de Bordeaux, n°59928).

 

Je dois donc démontrer que cette augmentation des prix était imprévisible, qu’elle n’était imputable ni à mes agissements ni à ceux de mon cocontractant public, et qu’elle a entrainé un surcoût.

 

En l’occurrence, les prix des matières premières étant par nature soumis à des fluctuations, l’imprévision s’appréciera au cas par cas, eu égard à l’ampleur de l’augmentation des prix et aux conditions particulières du contrat. Cette notion d’ampleur a été instaurée dans les nouveaux CCAG réformés en 2021 (notamment dans l'article 26 du CCAG MOE).

 

La jurisprudence reste assez floue concernant l’ampleur du surcoût recevable ou pouvant ouvrir droit à une indemnisation. Elle oscille entre 5 % et 10 % de la valeur initiale du marché selon les cas. On peut aussi se référer à la circulaire de 1974 (4), qui fixait pour les marchés de l’État dans le cadre des conséquences du choc pétrolier de 1973, le bouleversement à 1/15 de la valeur du marché. Mais rien n’est précisé dans les textes de droit dur.

 

Je devrai également apporter la preuve que l’achat des matériaux concerné était postérieur à l’augmentation des prix et nécessaire à la poursuite de l’exécution de mes obligations contractuelles.

 

Il convient également de noter que l’indemnité accordée ne couvrira pas l’entièreté du surcoût. Le montant de cette indemnité est fixé par le juge administratif, et généralement il oscille entre 80 et 95% de la charge extracontractuelle. Il estime qu’il appartient au titulaire de supporter le coût de l’aléa économique « normal » inhérent à tout contrat (CE, 30 mars 1916, Compagnie générale d’éclairage de Bordeaux, n° 59928 ; CE, 21 octobre 2019, Société Alliance, n° 419155).

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II - JE SUIS DANS L'INCAPACITÉ DÉFINITIVE DE POURSUIVRE L'EXÉCUTION DE MON CONTRAT

  1. ​

Dans l’hypothèse où la hausse du prix des matières premières affecte de manière trop importante le marché et me place dans l’impossibilité d’exécuter mes obligations contractuelles, je peux solliciter une résiliation du marché.

 

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  1. A. L’acheteur accepte de résilier le marché à l’amiable

 

En cas d’absence de clause dans mon contrat encadrant sa résiliation, je peux tout de même négocier une résiliation amiable avec mon cocontractant.

 

En effet, la résiliation d’un marché public peut se faire à l’amiable en raison d’une situation de force majeure (Art. L2195-2 CCP)(5).

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Pour rappel, pour être qualifiée de force majeure, la situation doit être :

• extérieure aux parties

• imprévisible

• irrésistible

 

C’est à moi, en tant que titulaire du contrat, qu’il appartient de démontrer que la situation dans laquelle je me trouve relève de la force majeure.

 

La personne publique peut alors accepter de résilier le marché à l’amiable ou bien rejeter la demande.

 

Si elle accepte de résilier le marché, les deux parties signent un protocole transactionnel qui encadre les conséquences techniques, juridiques et financières de la résiliation.

 

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  1. B. L’acheteur refuse de résilier le marché, je saisis le juge

 

Si l’acheteur refuse de résilier le marché, j’ai la possibilité de saisir le juge du contrat pour qu’il prononce la résiliation (6).

 

Je dois, là encore, apporter la preuve que la situation dans laquelle je me trouve relève de la force majeure.

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L’appréciation des effets de la crise sanitaire sur l’exécution du marché se fait au cas par cas par le juge.

 

La jurisprudence considère que dès lors que la résiliation est prononcée pour force majeure, le titulaire ne peut être indemnisé que des pertes subies imputables à l’évènement constitutif de la force majeure (CE, 8 janvier 1925, Société Chantiers et ateliers de Saint-Nazaire, Rec. p. 28 ; Fiche DAJ : résiliation des marchés publics et des contrats de concession (5)). Et ce, que la résiliation soit prononcée à l’amiable ou par le juge.

 

 

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SOURCES

 

1 : Fiche DAJ pénalités de retard :

https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/daj/marches_publics/conseil_acheteurs/fiches-techniques/execution-marches/penalites-ds-mp-2019.pdf

 

2 : Fiche DAJ modalités de modifications des marchés publics :

https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/daj/marches_publics/conseil_acheteurs/fiches-techniques/execution-marches/modalites-modif-contrats-en-cours-2019.pdf

 

3 : Communiqué de presse gouvernement

https://minefi.hosting.augure.com/Augure_Minefi/r/ContenuEnLigne/Download?id=468EFCEB-5FDB-42DB-B94E-65A725B895E6&filename=1021%20CP%20-%20Approvisionnement%20en%20mati%C3%A8res%20premi%C3%A8res.pdf

 

4 : Circulaire du 20 novembre 1974, relative à l'indemnisation des titulaires de marchés publics en cas d'accroissement imprévisible et de leurs charges économiques (application de la théorie de l'imprévision)

http://www.marche-public.fr/Marches-publics/Textes/Circulaires/Circulaire-imprevision-1974-11-20.htm

​

5 : Fiche DAJ résiliation unilatérale par l’administration des marchés publics

https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/daj/marches_publics/conseil_acheteurs/fiches-techniques/execution-marches/resiliation-2019.pdf

 

6 : Procédures et formes de résiliations des marchés publics

https://www.achatpublic.info/sites/default/files/document/documents/Commentmettrefinaumarche_janvier2009_1.pdf

 

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Article rédigé par Valentin Lamy
Consultant DOREAN AVOCATS 
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